Les Pionniers de la Wehrmacht !

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Les jardins du diable

Ils constituaient un ensemble de pièges mortels où étaient combinées toutes sortes de mines et de charges suivant une technique raffinée et un grand art psychologique. L'unité ennemie qui pénétrait dans l'un de ces « « jardins » assistait à la lente paralysie de son attaque. Lorsque l'homme de tête tombait à côté de son voisin grièvement blessé ou touché mortellement lui aussi, que les voitures étaient projetées en l'air et que les chars eux-mêmes s'immobilisaient, personne n'osait plus faire un pas en avant avant que le terrain fût déminé centimètre par centimètre. Et quand les équipes spécialisées arrivaient, leurs détecteurs électriques, en réagissant à toute présence métallique, ne découvraient que des boîtes de conserves vides et des éclats d'obus enfouis dans le sol. Mais si le démineur reprenant confiance, s'aventurait un peu trop rapidement dans le « jardin du diable », il déclenchait une explosion et y laissait sa vie. Et s'il ne se rendait compte du danger à temps et déterrait la mine, puis sa voisine, puis une autre encore, et voulait ensuite faire un pas en avant, la mort le frappait néanmoins au même endroit, car une seconde couche de mines enterrée plus profondément explosait aussitôt.
Les sapeurs de la IX Armée inventèrent sans cesse des pièges inattendus. Ils fixaient leurs charges aux portes des maisons. Quelqu'un poussait-t-il la porte que la mort lui sautait au visage. Un fil mince reliait une mine dissimulée à un battant de fenêtre. L'ouvrait-on qu'on déclenchait l'explosion fatale. La mort vous attendait partout près des objets à l'aspect le plus inoffensif. Une échelle, une brouette, une pelle, une bêche : en les décollant du mur où ils étaient appuyés, on tirait sur le fil invisible qui actionnait l'allumeur. Chaque marche d'escalier pouvait dissimuler un piège. Ou bien l'engin était caché dans un poêle et commandé par l'ouverture de sa porte. C'étaient encore des caisses abandonnées, pleines de ces « documents » dont les Russes étaient si friands et où une mine attendait l'imprudent. Souvent, les sapeurs de l'armée, spécialement entrainés et équipés pour cette sorte de tâches, continuèrent à amorcer les mines sous le feu même de l'ennemi.........
Dans les premières vingt-quatre heures de leur poursuite, les Russes subirent des pertes si lourdes dans les « jardins du diable » de Rjev qu'il se déclara chez eux une sorte de panique. Tous les messages qu'ils lançaient par radio étaient remplis d'avertissements, de récits épouvantables et d'adjurations à une prudence extrême. La crainte de ces mines dissimulées partout plana désormais comme un fantôme au-dessus des troupes russes et freina considérablement leur progression.
Les services d'écoute des formations qui battaient en retraite purent constater l'effet dévastateur de cette tactique par les messages radio qu'échangeaient souvent en clair, les unités soviétiques. A la 206è DI, par exemple, on put capter la communication suivante qui provenait d'un officier : « Je mets mon cheval à l'écurie, j'entre dans la maison, une grosse explosion se produit. Plus d 'écurie ni de cheval! » Ces salauds de Fritz ont placé des mines partout où nous ne le soupçonnons pas. » Un autre télégramme interdisait à la troupe d'entrer dans les maisons, d'utiliser les puits ou de ramasser des objets de valeur avant l'arrivée des équipes de déminage. Cette psychose s'attaqua au moral des hommes, à leur combativité, et retarda surtout le rythme de la poursuite. Ce qui était justement l'objectif de Model.

Opération Terre Brûlée, Paul Carell